Exercice"Jacques PrĂ©vert - Chanson de la Seine", créé par colchique (exercice gratuit pour apprendre des notions de culture gĂ©nĂ©rale) : RĂ©sultats des 774 personnes qui ont passĂ© ce test : Moyenne : 57.5% (11.5 / 20) Partager. Dernier membre Ă  avoir fait un sans faute : gwen50 / FRANCE, le lundi 18 juillet Ă  22:42: "que l'eau coule sous les ponts ." 41.1% ont eu moins de la 10avril 2017 L’exposition «Jacques PrĂ©vert, images» qui se tient Ă  la fondation Jan Michalski prĂ©sente une belle panoplie de collages, d’éphĂ©mĂ©rides et de planches de scĂ©narios illustrĂ©es d’un Ă©crivain qui s’avĂšre Chansonde la Seine La Seine a de la chance Elle n’a pas de soucis Elle se la coule douce Le jour comme la nuit Et elle sort de sa source Tout doucement sans bruit Et sans se faire de mousse Sans sortir de son lit Elle s’en va vers la mer En passant par Paris La Seine a de la chance Elle n’a pas de soucis Et quand elle se promĂšne JacquesPrĂ©vert . Paroles . Barbara . Jacques PrĂ©vert est un poĂšte, scĂ©nariste, parolier et artiste français, (4 fĂ©vrier 1900 Ă  Neuilly-sur-Seine – 11 avril 1977 Ă  Omonville-la-Petite (Manche).Auteur de recueils de poĂšmes, parmi lesquels Paroles (1946), il devint un poĂšte populaire grĂące Ă  son langage familier et Ă  ses jeux sur les mots. . Ses poĂšmes sont depuis lors cĂ©lĂšbres AubervilliersII. Chanson De L'eau [Chanson Du Court MĂ©trage "Aubervilliers"] 0:59: 44. Fabien Loris & Germaine Montero: Aubervilliers III. Chanson De La Seine [Chanson Du Court MĂ©trage "Aubervilliers"] 1:49: 45. Fabien Loris: Les Enfants Qui S'aiment [Chanson Du Les149 paroles et 4 traductions de chanson de Vanessa Paradis. Chansons les plus populaires de Vanessa Paradis selon nombre de visites. parole. traductions. 1. La Seine (avec M) Français. M. 2. Il Y A Français. . Jacques PRÉVERT 1900-1977 biographie et bibliographie I. Sa biographie Jacques PrĂ©vert est un poĂšte et 





 français, nĂ© le 4 fĂ©vrier 1900 Ă  Neuilly-sur-Seine, et mort le 11 avril 1977 Ă  Omonville-la-Petite Manche. AprĂšs le succĂšs de son premier recueil de poĂšmes, 





, il devint un poĂšte populaire grĂące Ă  son langage familier et ses jeux de mots. Ses poĂšmes sont depuis lors cĂ©lĂšbres dans le monde francophone et massivement appris dans les Ă©coles françaises. Il a Ă©galement Ă©crit des 





 pour le cinĂ©ma. Jacques PrĂ©vert naĂźt au 19 de la rue de Chartres Ă  Neuilly-sur-Seine actuellement Hauts-de-Seine le 4 fĂ©vrier 1900. Il y passe son enfance. Son pĂšre AndrĂ© PrĂ©vert, fait divers mĂ©tiers pour gagner sa vie et de la critique dramatique et cinĂ©matographique par plaisir. Il l’emmĂšne souvent au théùtre et au cinĂ©ma. Suzanne, sa mĂšre nĂ©e Catusse, l’initie Ă  la lecture. Il s’ennuie Ă  l’école, et dĂšs 15 ans, aprĂšs son certificat d’études, il la quitte. Il multiplie alors les petits travaux, notamment au grand magasin Le Bon MarchĂ©. D’abord mobilisĂ© en 1918, son service militaire se poursuit Ă  Saint-Nicolas-de-Port oĂč il rencontre Yves Tanguy avant d’ĂȘtre envoyĂ© Ă  Istanbul oĂč il fera la connaissance de Marcel Duhamel. En 1925, il participe au mouvement 





, qui se regroupe au 54 de la rue du ChĂąteau prĂšs de Montparnasse. C’est en fait un logement collectif » oĂč habitent Marcel Duhamel, Raymond Queneau et Yves Tanguy. C’est PrĂ©vert qui trouvera le terme de 











 pour dĂ©finir le jeu littĂ©raire auquel ses amis et lui se livrent. PrĂ©vert est toutefois trop indĂ©pendant d’esprit pour faire vĂ©ritablement partie d’un groupe constituĂ©, quel qu’il soit. Il supporte mal les exigences d’AndrĂ© Breton, et la rupture est consommĂ©e en 1930. En 1932, il Ă©crit les textes pour le groupe 





 » et il participera aux Olympiades du théùtre Ă  Moscou. Groupe Octobre – WikipĂ©dia Le groupe Octobre sur le bateau pour Moscou, en mai 1933. – Jacques PrĂ©vert est debout, 4Ăšme Ă  partir de la droite. Jacques PrĂ©vert – CitroĂ«n [youtube] PoĂšme contemporain au groupe Octobre 1930 -1937 groupe de Théùtre rĂ©volutionnaire pour lequel PrĂ©vert Ă©tait auteur et parfois acteur. Monsieur CitroĂ«n perdit des millions au casino et licencia tous les ouvriers des quais de Javel lĂ  oĂč se situait sa plus grosse entreprise. C’est Jacques PrĂ©vert lui-mĂȘme qui dit son texte. Il est le scĂ©nariste et dialoguiste de grands films français des annĂ©es 1935-1945, notamment 











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 et Les Portes de la nuit » de Marcel CarnĂ©, 











 de Jean Renoir, Remorques » et LumiĂšre d’étĂ© » de Jean GrĂ©millon. Il a, Ă  deux reprises, adaptĂ© des contes de Hans Christian Andersen, d’abord La BergĂšre et le Ramoneur » devenu 











, film d’animation de Paul Grimault en 1957, puis en 1964, Grand Claus et Petit Claus », autre conte d’Andersen, Ă  la tĂ©lĂ©vision, Le Petit Claus et le Grand Claus » de son frĂšre Pierre PrĂ©vert. Drole de Drame 1937 Michel Simon Louis Jouvet [youtube] Le Quai des brumes 1938 [youtube] Le jour se lĂšve 1939 [youtube] Les Enfants du Paradis [youtube] LE ROI ET L’OISEAU [youtube] Ses poĂšmes sont mis en musique par Joseph Kosma dĂšs 1935 À la belle Ă©toile ses interprĂštes seront entre autres AgnĂšs Capri, Juliette GrĂ©co, Les FrĂšres Jacques, Yves Montand. Son recueil Paroles », publiĂ© en 1946, obtient un vif succĂšs. Il Ă©crit des piĂšces de théùtre. Son anticlĂ©ricalisme, parfois violent, est souvent occultĂ© par le public, au profit de ses thĂšmes sur l’enfance et la nature. Paroles Paroles est un recueil de poĂšmes de Jacques PrĂ©vert 1900-1977 publiĂ© pour la premiĂšre fois en 1946. Les textes de Jacques PrĂ©vert ont d’abord Ă©tĂ© publiĂ©s isolĂ©ment dans diverses revues depuis les annĂ©es trente le Commerce, Bifur, la RĂ©volution SurrĂ©aliste, Cahiers GLM /Guy LĂ©vis-Mano, Soutes, les Cahiers d’Art avant d’ĂȘtre regroupĂ©s partiellement de façon amateur par des Ă©tudiants de Reims Ă  la fin de la guerre. En 1945, RenĂ© BertelĂ© rĂ©unit Ă  son tour les textes de Jacques PrĂ©vert avec l’accord du poĂšte pour la maison d’édition qu’il vient de crĂ©er les Éditions du Point du jour et il publie le recueil le 10 mai 1946 sous le titre Paroles dans la collection le Calligraphe avec une couverture du photographe BrassaĂŻ. Le succĂšs est immĂ©diat une premiĂšre réédition de 5000 exemplaires est lancĂ©e une semaine aprĂšs, puis d’autres pour atteindre le chiffre, spectaculaire pour un recueil de poĂšmes, de 25000 la premiĂšre annĂ©e. En 1947 RenĂ© BertelĂ© publie une Ă©dition augmentĂ©e de seize textes, toujours au Point du jour et toujours avec succĂšs. Il Ă©crit Les enfants qui s’aiment. Gallimard qui a rachetĂ© les Ă©ditions de RenĂ© BertelĂ© en transformant Le Point du jour en une collection que continue Ă  diriger son crĂ©ateur, réédite Paroles en 1949 et de nouveau en 1951 et 1956. En 1957, le recueil est publiĂ© en Livre de poche avec la couverture de l’édition originale la photographie de BrassaĂŻ qui reprĂ©sente un mur gris couvert de graffiti sur lequel on a peint en Ă©criture manuscrite rouge le titre et le nom de l’auteur. En 1972 Paroles paraĂźt dans la collection Folio, avec en couverture le portrait en noir et blanc de Jacques PrĂ©vert photographiĂ© par Doisneau, le graphiste ayant rajoutĂ© une touche rouge Ă  la cigarette que fume dans une attitude populaire le poĂšte. La diffusion en collection de poche ne faiblit pas et avec environ 2,5 millions d’exemplaires Paroles reprĂ©sente la 4e meilleure vente dans ce domaine aprĂšs L’Étranger et La Peste de Camus et Knock de Jules Romains, ce qui fait de Jacques PrĂ©vert de loin le poĂšte le plus lu de la littĂ©rature française. Le couronnement Ă©ditorial survient comme un pied-de-nez posthume du poĂšte iconoclaste en 1992, avec la publication de ses Ɠuvres dans la prestigieuse collection de la PlĂ©iade. Aspect Paroles comporte 95 textes non ponctuĂ©s de forme et de longueur trĂšs variĂ©es. Les textes les plus longs sont placĂ©s principalement au dĂ©but du recueil Tentative de description d’un dĂźner de tĂȘtes Ă  Paris-France 11 p – Souvenirs de famille 13p , ÉvĂšnements 9 p. Le plus long, La crosse en l’air 35 pages est au milieu de l’Ɠuvre et on retrouve un texte assez long, rajoutĂ© plus tard, en fermeture du recueil Lanterne magique de Picasso – 7 pages. Les autres textes vont d’une seule ligne Les paris stupides Ă  quelques pages en passant par des poĂšmes trĂšs courts Alicante, 5 vers – Le grand homme, 4 vers – L’amiral, 5 vers avec 15 mots au total, des textes d’une petite page Le cancre, 17 vers – Le miroir brisĂ©, 16 vers – La fĂȘte continue, 18 vers ou des textes de deux pages Page d’écriture – Barbara – Complainte de Vincent 
. La forme est Ă©galement trĂšs variĂ©e avec des textes en prose Souvenirs de famille – certains passage du DĂźner de tĂȘtes, des saynĂštes dialoguĂ©es en vers libres L’orgue de barbarie – La chasse Ă  l’enfant – L’accent grave 
 et un emploi plus traditionnel du vers libre avec parfois l’utilisation partielle de rimes irrĂ©guliĂšres Pour toi mon amour – Complainte de Vincent – Barbara. La prĂ©sence de l’oralitĂ© revendiquĂ©e conduit aussi Ă  l’utilisation de la reprise sinon du refrain Barbara – Chasse Ă  l’enfant – Je suis comme je suis 
 qui font de ces textes des chansons qui seront d’ailleurs, ainsi que d’autres poĂšmes du recueil, mises en musique par Joseph Kosma. ProcĂ©dĂ©s stylistiques Les aspects dominants de l’art de Jacques PrĂ©vert que souligne d’ailleurs le titre Paroles sont la spontanĂ©itĂ© et l’oralitĂ© nourries des influences surrĂ©alistes faites d’expressivitĂ© nouvelle et de provocation. PrĂ©vert a ainsi frĂ©quemment recours Ă  la recherche d’expressions corrosives et au rire en jouant sur les mots comme ici Notre pĂšre qui ĂȘtes aux cieux / Restez-y
 » Pater noster – » Larima /Larima quoi / La rime Ă  rien » L’amiral – Un vieillard en or avec une montre en deuil CortĂšge – » Le monde mental / Ment / Monumentalement » Il ne faut pas . Le jeu sur les mots est d’ailleurs constant dans l’Ɠuvre, mĂȘme en dehors de la dĂ©rision, un seul exemple de cette rĂ©ussite littĂ©raire suffira » DĂ©mons et merveilles » Sables mouvants. Un autre procĂ©dĂ© trĂšs frĂ©quent est celui de l’accumulation associĂ©e Ă  l’anaphore ;par exemple ouverture du DĂźner de tĂȘtes » Ceux qui pieusement / Ceux qui copieusement 
 dans lequel se glisse une parodie de PĂ©guy, ou dans Salut Ă  l’oiseau ou encore CortĂšge. Le vocabulaire simple et concret est une autre caractĂ©ristique permanente de Paroles , par exemple dans La pĂȘche Ă  la baleine – DĂ©jeuner du matin – La batteuse – Inventaire Une pierre / Deux maisons / trois ruines
 » avec parfois mĂȘme une rĂ©elle violence exemple » Toute la batterie de cuisine du Saint Office des morts » La Morale de l’histoire. En dehors des moyens classiques de l’expression poĂ©tique comme le jeu sur les rythmes et les sonoritĂ©s comme l’allitĂ©ration dans Barbara » Sous cette pluie de fer / De feu, d’acier, de sang , c’est la richesse et l’expressivitĂ© des images qui est remarquable chez PrĂ©vert. Elles sont extrĂȘmement nombreuses et en voici quelques exemples » Dans les sables du lit tu remues en rĂȘvant Sables mouvants – » Voici le temps des Ă©goutiers » Le temps des noyaux – » Ceux qui sont chauves Ă  l’intĂ©rieur de la tĂȘte » DĂźner de tĂȘtes – L’éblouissant orage du gĂ©nie de Vincent » Complainte de Vincent. ThĂšmes Les thĂšmes du recueil sont nombreux ils se croisent souvent et sont mis en valeur par les procĂ©dĂ©s poĂ©tiques efficaces. La dĂ©nonciation de la violence, de la guerre 1945 = aprĂšs la guerre, de la politique bourgeoise, de la religion est peut-ĂȘtre le thĂšme dominant il s’agit d’une mise en cause violente des puissants qui renvoie Ă  l’engagement de PrĂ©vert dans l’agit-prop avec le groupe octobre. Antimilitariste Le temps des noyaux – Quartier libre 
, anticlĂ©rical La crosse en l’air – Pater noster – La cĂšne – La morale de l’histoire
, dĂ©fenseurs des humbles contre l’argent bourgeois Le discours sur la paix – La batteuse
, il fait Ă©galement rĂ©fĂ©rence Ă  l’actualitĂ© de son Ă©poque guerre d’Espagne et guerre d’Éthiopie dans Lanterne magique de Picasso et La crosse en l’air, bombardement de la deuxiĂšme guerre mondiale dans Barbara ou fascisme dans L’ordre nouveau. Il associe ainsi dans ses rĂ©pulsions la trinitĂ© pĂ©tiniste en mettant en cause les valeurs de la famille Familiale – La pĂȘche Ă  la baleine, la patrie L’épopĂ©e – Histoire du cheval et le travail qu’il prĂ©sente comme une exploitation et une humiliation Le temps perdu – Le paysage changeur – DĂźner de tĂȘtes – L’effort humain oĂč l’on trouve une expression qui rĂ©sume tout » La terrifiante chaĂźne oĂč tout s’enchaĂźne / la misĂšre le profit le travail la tuerie . PrĂ©vert dĂ©nonce aussi d’autres oppressions comme l’emprisonnement La chasse Ă  l’enfant ou la colonisation L’effort humain ou encore l’école et ses rĂ©fĂ©rences Le cancre – Les paris stupides – Composition française 
 . Il s’agit donc explicitement d’une poĂ©sie socialement et politiquement engagĂ©e Jacques PrĂ©vert a choisi son camp. Le thĂšme de la vie quotidienne, de la sociĂ©tĂ©, du temps, et des lieux de Paris est Ă©galement rĂ©current dans le recueil La rue de Buci maintenant – Place du Carrousel – Le jardin
 et fait de PrĂ©vert un poĂšte attachant de la ville et du monde populaire. On le qualifie de Parisien bohĂšme ». En contrepoint Ă  la violence rĂ©volutionnaire et anarchiste, » Paroles » exploite les thĂšmes lyriques traditionnels de l’amour, de l’enfance et de l’oiseau mais sans exaltation du » je » romantique il s’agit plutĂŽt d’une recherche du bonheur individuel et collectif fait de sensualitĂ© Sables mouvants – Paris at night, de libertĂ© Le cancre – Salut Ă  l’oiseau oĂč l’innocence et la fragilitĂ© sont protĂ©gĂ©es mĂȘme si les peines de cƓur continuent Ă  exister Le dĂ©sespoir est assis sur un banc – Rue de Seine – Pour toi mon amour – Le miroir brisĂ© avec ces quelques vers » Et j’ai mis la main sur mon coeur / oĂč remuaient / ensanglantĂ©s / les sept Ă©clats de glace de ton rire Ă©toilĂ© . Un dernier thĂšme notable est celui de l’art et de la crĂ©ation avec des rĂ©fĂ©rences Ă  van Gogh Complainte de Vincent, peintre de violence, de sang et de vie et Ă  Picasso, qui bouscule la reprĂ©sentation de la rĂ©alitĂ© Promenade de Picasso – Lanterne magique de Picasso. Jacques PrĂ©vert donne aussi la clĂ© de sa recherche artistique dans Pour faire le portrait d’un oiseau, sorte d’art poĂ©tique oĂč l’idĂ©al est quelque chose de simple /quelque chose de beau / quelque chose d’utile 
 » ou encore quand il oppose jouer du chien Ă  poil dur » Ă  jouer du caniche » dans Le concert n’a pas Ă©tĂ© rĂ©ussi. Bilan Si les textes de Paroles continuent Ă  intĂ©resser les jeunes gĂ©nĂ©rations, c’est qu’ils restent, pour la plupart, actuels et universels. En tĂ©moigne le succĂšs de l’édition en deux volumes de ses ƒuvres complĂštes dans la prestigieuse BibliothĂšque de la PlĂ©iade de Gallimard en 1992 et 1996, constamment rĂ©imprimĂ©s. Les responsables de cette Ă©dition, DaniĂšle Gasiglia-Laster et Arnaud Laster ont bien montrĂ© que les textes de PrĂ©vert, sous leur apparente simplicitĂ©, relĂšvent d’un intense travail de construction et de prĂ©cision, sont d’une grande richesse de sens, abondent en rĂ©fĂ©rences culturelles. Le plaisir du texte qu’ils procurent peut donc toucher les moins Ă©rudits comme les plus exigeants. Les thĂšmes qu’ils vĂ©hiculent – l’enfance, l’amour, la solidaritĂ©, la rĂ©volte – continuent Ă  retenir l’attention et Ă  nourrir les mĂ©moires. Il a su parler pour ceux qui en ont trop Ă  dire pour pouvoir le dire », tout en rĂ©inventant le langage. Jacques PrĂ©vert parle Ă  l’intelligence tout en touchant les cƓurs. Prolongements La diffusion des poĂšmes de Paroles s’est faite aussi largement par la chanson grĂące Ă  la musique de Joseph Kosma et Ă  des interprĂštes comme AgnĂšs Capri, Marianne Oswald, Juliette GrĂ©co, les FrĂšres Jacques, Germaine Montero, Mouloudji ou encore Yves Montand parfois en association avec le cinĂ©ma comme pour Les Feuilles mortes», chanson du film de Marcel CarnĂ© en 1946 Les Portes de la nuit, rendue cĂ©lĂšbre justement par Yves Montand. Plus rĂ©cemment, le groupe quĂ©bĂ©cois les Cowboys Fringants ont repris Le Temps perdu. Recueil Paroles Alicante Au hasard des oiseaux Aux champs
 Barbara Cet amour Chanson dans le sang Chanson de l’oiseleur Chanson des escargots qui vont Ă  l’enterrement Chanson du geĂŽlier Chasse Ă  l’enfant Chez la fleuriste Complainte de Vincent Complainte du fusillĂ© Composition française Conversation CortĂšge Dans ma maison DĂ©jeuner du matin Dimanche Écritures Saintes Épiphanie Et la fĂȘte continue ÉvĂ©nements Familiale FĂȘte foraine Fille d’acier Fleurs et couronnes Histoire du cheval Il ne faut pas
 Immense et rouge Inventaire J’en ai vu plusieurs
 Je suis comme je suis L’accent grave L’amiral L’automne L’éclipse L’école des beaux-arts L’effort humain L’épopĂ©e L’ordre nouveau L’orgue de Barbarie La batteuse La belle saison La brouette ou les grandes inventions La CĂšne La crosse en l’air La gloire La grasse matinĂ©e La guerre dĂ©clarĂ©e La lessive La morale de l’Histoire La pĂȘche Ă  la baleine La rue de Buci maintenant
 Lanterne magique de Picasso Le bouquet Le cancre Le cheval rouge Le combat avec l’ange Le concert n’a pas Ă©tĂ© rĂ©ussi Le contrĂŽleur Le dĂ©sespoir est assis sur un banc Le discours sur la paix Le droit chemin Le grand homme Le jardin Le message Le Ministre de la guerre Le miroir brisĂ© Le paysage changeur Le retour au pays Le sultan Le temps des noyaux Le temps perdu Les belles familles Les grandes inventions Les oiseaux du souci Les paris stupides Noces et banquets Osiris ou la fuite en Égypte Page d’écriture Paris at night Pater noster Place du carrousel Pour faire le portrait d’un oiseau Pour toi, mon amour Premier jour Presque Promenade de Picasso Quartier libre Quel jour sommes-nous
 Riviera Rue de Seine Sables mouvants Salut Ă  l’oiseau Souvenirs de famille ou l’ange garde-chiourme Tentative de description d’un diner de tĂȘtes Ă  Paris-France Vous allez voir ce que vous allez voir 1Avec l’essor de l’industrie du spectacle, dans la seconde moitiĂ© du xixe siĂšcle, la production française de la chanson s’est concentrĂ©e dans la capitale. Paris est donc devenu le cadre naturel des intrigues dĂ©ployĂ©es par les paroliers, au point de favoriser le dĂ©veloppement d’un genre propice Ă  l’étude des imaginaires parisiens la chanson de Paris. 2Si l’on en croit AndrĂ© Hardellet Il existe un air de Paris. Qu’on l’entende comme celui d’une chanson ininterrompue, de l’atmosphĂšre qui vous enveloppe, ou les deux, c’est un fait d’expĂ©rience. » [1] La nature et l’origine de cet air de Paris constituent prĂ©cisĂ©ment un des enjeux de notre recherche consacrĂ©e aux reprĂ©sentations de Paris Ă  travers les chansons, qu’anticipait Ă  sa maniĂšre Francis Lemarque On ne saura jamais / si c’est en plein jour / ou si c’est la nuit / que naquit / dans l’üle Saint-Louis / [
] l’air de Paris. » [2] 3Pour tenter d’approcher cette question, la proposition faite ici par le poĂšte nous guide au cƓur de la ville, vers le fleuve. Dans notre corpus actuel, approchant les deux mille chansons sur Paris rĂ©parties sur plus d’un siĂšcle, le thĂšme de la Seine offre en effet l’avantage de rĂ©unir un nombre d’Ɠuvres Ă  la fois raisonnable et suffisant pour une premiĂšre observation. De plus, le motif de la Seine est prĂ©sent de façon rĂ©guliĂšre sur l’ensemble de la pĂ©riode et permet d’opposer les notions de circulation et d’immobilitĂ©, de fuite du temps et de durĂ©e, de dĂ©crire les paysages et les pensĂ©es qui se reflĂštent dans les ondoiements du fleuve, les fonctions qu’il assume, les habitants et les passants qui le hantent, les itinĂ©raires que ces derniers privilĂ©gient. 4Cent vingt-trois chansons inspirĂ©es par la Seine, Ă©ditĂ©es Ă  Paris de 1860 Ă  nos jours, sont analysĂ©es ici. 5Dix-huit portent sur le fleuve en gĂ©nĂ©ral, dix-neuf sur les abords de Paris amont et aval, dix sur les crues, quatre sur les bains, treize sur le trafic transports, bateaux-mouches, mĂ©tiers de l’eau, vingt et une sur les lieux et monuments remarquables, vingt sur les ponts, dix-huit sur les quais. Quant aux rythmes des chansons, le tiers d’entre elles utilisent les mesures Ă  deux temps marches, one-step, fox-trot
, alors que prĂšs de quatre-vingt dĂ©ploient les mesures Ă  trois temps quelques javas, mais surtout beaucoup de valses. À Ă©couter les musiciens, le rythme trĂšs entraĂźnant de la valse Ă©pouse sans doute mieux les pensĂ©es inspirĂ©es aux paroliers et poĂštes par les mouvements du du fleuve6Y a la SeineÀ n’importe quelle heureElle a ses visiteursQui la regardent dans les yeuxCe sont ses amoureuxÀ la Seine [3] 7Dansante, ondoyante, changeante, la Seine est le plus souvent reprĂ©sentĂ©e comme une femme courtisĂ©e par les Parisiens et les touristes. Un autre refrain trĂšs cĂ©lĂšbre, popularisĂ© par Jacqueline François, immortalise l’union du fleuve et de la capitale Car la Seine est une amante / et Paris dort dans son lit » [4]. TantĂŽt amoureuse et sensuelle, tantĂŽt lĂ©gĂšre et insouciante, elle adopte les apparences les plus diverses au grĂ© des circonstances. Aragon la voit blonde dans Il ne m’est Paris que d’Elsa et Jacques PrĂ©vert la dĂ©crit ainsi 8La Seine a de la chance, elle n’a pas de se la coule douce, le jour comme la nuit.[
] Et s’en va vers la mer,En passant comme un rĂȘveAu milieu des mystĂšres, des misĂšres de Paris [5] 9C’est Ă©galement la femme confidente d’un jour, comme dans cette romance d’Anne Sylvestre, toute empreinte de sensibilitĂ©, qui prĂ©sente une Seine salvatrice 10Quand je trouvais la ville trop noireTu dorais des plages pour moiTu mettais ton manteau de soieEt pour moi qui ne voulais plus croireEt pour moi, pour pas que je me noieTu faisais d’un chagrin une histoire, une joie [6] 11Mais Jean-Roger Caussimon n’a pas le mĂȘme point de vue 12J’allais te confier mes alarmesMes fatigues et mes regretsC’est bĂȘte Ă  dire, j’étais prĂȘtÀ te grossir de quelques larmes[
] Mais ta flotte s’en est allĂ©eInsensible, suivant son cours [7] 13Sous le miroir que tend le fleuve Ă  celui qui s’y regarde d’en haut et croit pouvoir lui confier sa souffrance, gisent dans l’oubli ou l’indiffĂ©rence des secrets en abondance. Insondable amoncellement de petites ou de grandes tragĂ©dies naufrages, suicides, accidents
, dĂ©potoir des richesses et des dĂ©chets de tant de vies, que Maurice Magre prĂ©sente de façon lugubre 14Au fond de la Seine, il y a de l’or,Des bateaux rouillĂ©s, des bijoux, des armes
Au fond de la Seine, il y a des morts
Au fond de la Seine, il y a des larmes
 [8] 15Elle figure enfin l’ultime refuge, la dĂ©livrance des Ăąmes en peine. Assez rarement Ă©voquĂ© dans les chansons sur la Seine, le suicide est pourtant un des ressorts classiques de la chanson rĂ©aliste 16Un soir elle se j’ta dans l’eauMorte elle Ă©tait encore jolieElle avait fait le dernier dodoDans le lit de la Seine son amie [9] 17Miroir commun des amoureux qui l’ont choisie comme tĂ©moin de leurs effusions, mais aussi sĂ©pulture commune de ceux qui lui ont demandĂ© d’engloutir leurs derniers instants, la Seine accompagne la vie des Parisiens dans une mesure du temps indĂ©finie. 18NĂ©anmoins, tout inscrite qu’elle soit dans une trĂšs longue durĂ©e, superbe jusqu’à l’indiffĂ©rence, la Seine a sa vie propre. Il lui arrive d’ĂȘtre sujette Ă  des colĂšres subites, difficiles Ă  juguler, qui rappellent Ă  Paris la prĂ©sence de la nature. Jusqu’à ce que son cours soit rĂ©gulĂ© en amont et encore, pour combien de temps ?, les crues la font souvent dĂ©border. Celle de janvier 1910, qui a envahi une grande partie du centre de la capitale a Ă©tĂ© l’objet d’une dizaine de chansons d’actualitĂ©, certaines vendues au profit des sinistrĂ©s, Ă©crites avec le ton grandiloquent des complaintes de naguĂšre sur des airs connus du moment 19Ah ! quel affreux malheurÔ ! Paris, orgueilleux de la SeineElle sĂšme l’horreurLa ruine, la dĂ©tresse et la peineLe fleuve a dĂ©bordĂ©En jetant partout l’ñpre misĂšreQue d’enfants, que de mĂšresN’auront plus qu’à pleurer ! [10]Le trafic20InstallĂ©e au centre d’une rĂ©gion oĂč convergent plusieurs riviĂšres, LutĂšce s’est créée autour de son port. ArtĂšre de la capitale jusqu’au milieu du xixe siĂšcle, ses berges abritant alors des installations improvisĂ©es et souvent renouvelĂ©es [11], la Seine a progressivement perdu son rĂŽle industriel et commercial. C’est dans la partie aval du fleuve, reliant la mĂ©tropole Ă  la mer, que l’activitĂ© s’est concentrĂ©e. Intra-muros, l’attention portĂ©e depuis Rambuteau et plus encore depuis Haussmann Ă  l’amĂ©nagement de la circulation terrestre n’a plus affectĂ© Ă  la Seine qu’un rĂŽle secondaire dans le transport des marchandises. En revanche, on a vu se dĂ©velopper les loisirs bains, piscines et le transport des personnes le bateau-omnibus a supplantĂ© la pĂ©niche. 21La premiĂšre ligne de bateaux Ă  hĂ©lice, reliant Paris Ă  Saint-Cloud, fut créée sur la Seine en 1826. La coque mĂ©tallique fit son apparition dans les annĂ©es 1850, permettant d’augmenter la vitesse. ComplĂ©tant le tramway et l’omnibus Ă  cheval, prĂ©cĂ©dant la construction du mĂ©tro, le bateau-omnibus inaugurĂ© en 1867 par la Compagnie lyonnaise des Hirondelles prit le surnom de bateau-mouche ». Les trois lignes Charenton Ă  Auteuil rive droite, Austerlitz Ă  Auteuil rive gauche et Tuileries-Pont Royal Ă  Suresnes Ă©taient desservies par 107 bateaux [12]. Leur fonction principale Ă©tait d’acheminer les uns et les autres de leur domicile Ă  leur travail, tout en abritant des flirts tranquilles 22C’était deux gentils amoureuxHabitant Saint-Cloud tous les deux[
] À Paris, dans un grand quartier,Ensemble ils allaient s’embrassant Ă  pleine bouche,Ils couraient prendre le bateau-mouche. [13] 23Ces croisiĂšres vivifiantes avaient leurs adeptes. Le bateau-mouche » complĂ©tait le train de banlieue et servait aussi en fin de semaine Ă  conduire les Parisiens hors des limites de la capitale vers les lieux du loisir, de la villĂ©giature, du flirt, des parties de campagnes 24Qu’il en avait chargĂ© des peinesEn promenades aller-retourDes sourires pour les Ă©trennesDes serments Ă  fin de semaineQuand pour dix sous une sirĂšneReprenait l’air du Point du jour. [14] 25La concurrence des nouveaux moyens de transport automobile, mĂ©tro, autobus et le manque de clientĂšle entraĂźnĂšrent la suppression des bateaux-omnibus en 1917. Une ligne estivale de bateaux-bus beaucoup plus modeste relie Ă  nouveau depuis 1989 l’HĂŽtel de Ville Ă  la Tour Eiffel. Elle a inspirĂ© Ă  David McNeil une chanson remarquable qui reprend Ă  son compte le trajet originel des bateaux-mouches. Citant presque tous les ponts dans l’ordre, il Ă©grĂšne les Ă©tapes d’une idylle depuis la rencontre au Pont National jusqu’à la dĂ©claration d’amour au Pont Mirabeau, le parcours se poursuivant ensuite jusqu’au Pont de Neuilly 26Puis sous le pont de SĂšvresEn me tendant ses lĂšvresElle m’a dit suivez-moi sous les douchesSous le pont de NeuillyLa rose Ă©tait cueillieEt s’en retournait le bateau-mouche
 [15] 27MalgrĂ© l’évolution du trafic, la circulation sur la Seine n’a jamais cessĂ©. Durant l’entre-deux-guerres, des bateaux-mouches plus modestes disputent leur territoire aux pĂ©niches et remorqueurs. Les ports de la capitale abritent une flottille d’embarcations qui a aussi ses hĂ©ros les marins parisiens. Le fleuve est le théùtre d’un trafic parfois intense Sur la Seine par les gros temps / il y a des tangages inquiĂ©tants » [16], qui donnent aussi l’occasion de dĂ©crire un capitaine de bateau-mouche flambard et vantard, pour qui tous les ponts sont des Ă©cueils C’est moi le capitaine / d’Ivry jusqu’à Suresnes / je suis le maĂźtre Ă  bord / et dois braver le sort ! » [17] 28Avec les ponts pour tout rĂ©cif, le marin parisien pourrait dessiner une carte du tendre. MĂȘme lorsqu’elle dĂ©crit la rĂ©alitĂ© ou devient tĂ©moignage sur l’évolution de la vie matĂ©rielle, la chanson emprunte frĂ©quemment le chemin des sentiments l’imaginaire amoureux s’impose au registre du ponts29Les ponts sont faits de piles bien commodes pour supporter le discours amoureux, encore faut-il savoir nommer les lieux et les sentiments. Une gaudriole des lendemains de 1870 conte un rendez-vous manquĂ© faute de prĂ©cision suffisante [18], tandis que prĂšs d’un siĂšcle plus tard, Mouloudji se moque d’un soupirant qui, au troisiĂšme bec de gaz face au deuxiĂšme zouave » [19] du Pont de l’Alma, se retrouve avec plusieurs autres Ă  attendre la mĂȘme belle
 30Le pont Mirabeau, construit en 1895 comme un modĂšle d’avant-garde d’architecture mĂ©tallique avec une ouverture centrale atteignant prĂšs de 100 m, est, lui, bien identifiable depuis le cĂ©lĂšbre poĂšme d’Apollinaire. Ce pont sur lequel le poĂšte passait souvent avec Marie Laurencin est devenu le symbole de leur rupture, la chanson triste de cette longue liaison brisĂ©e » [20]. Écrit en 1912, et publiĂ© l’annĂ©e suivante dans le recueil Alcools, ce poĂšme adopte la forme d’une chanson, avec quatre strophes et un refrain Vienne la nuit sonne l’heure / les jours s’en vont je demeure ». EnregistrĂ© par son auteur avec un ton emphatique [21], il a Ă©tĂ© mis en musique pour la premiĂšre fois en 1952 par LĂ©o FerrĂ© [22], qui en a fait un des chefs d’Ɠuvres de la chanson française. Le rythme de valse lente qu’il a choisi souligne l’aspect mĂ©ditatif et mĂ©lancolique du texte oĂč le monument devient un tĂ©moin d’un bonheur rĂ©volu et l’eau le symbole de la fuite du temps, de la prĂ©caritĂ© des amours 31Passent les jours et passent les semainesNi temps passĂ©Ni les amours reviennentSous le pont Mirabeau coule la Seine. 32Les ponts inspirent aussi des idylles construites sur leurs noms, comme celle-ci, chantĂ©e par les FrĂšres Jacques, qui se dĂ©cline en balade poĂ©tique le long du fleuve 33Viaduc d’Auteuil, il lui fit de l’ƓilSur le Pont Marie, elle lui a souriIl ne l’accosta que sur l’pont d’l’AlmaL’avait l’air d’un Ɠuf jusque sur l’Pont Neuf [23] 34Paul Fort choisit, Ă  sa maniĂšre, la ronde enfantine, subtilement mise en musique par Henri Casadesus 35Sur les jolis ponts de ParisLes quais et les pontsCourant d’eau courant d’airSur les ponts de Paris joliLes ponts et les quaisCourez votre folie [24] 36En somme, comme le constate Monique Marty Les ponts de Paris font partie du dĂ©cor. Si brusquement on les effaçait, la Seine semblerait nue. Et pourtant nous les empruntons sans y porter attention. » [25] Parmi les quelque trente-six ponts que comporte actuellement Paris, celui des Arts – passerelle voulue par NapolĂ©on pour relier le Louvre Ă  l’Institut – a Ă©tĂ© le plus chantĂ©, sans doute Ă  cause de sa situation centrale au cƓur artistique de la ville, de son architecture de fer paradoxale parmi les ouvrages de pierre et aussi parce qu’il est rĂ©servĂ© aux piĂ©tons 37Sur le pont des Arts,Avec mille grĂąces, on peut voirLe cƓur de ParisQui s’ouvre au baiser de la nuit [26] 38Peu aprĂšs, Georges Brassens fait le choix d’un tout autre ton en situant au mĂȘme endroit l’intrigue de sa chanson Le vent » 39Si par hasard, sur l’pont des ArtsTu croises le vent, le vent friponPrudence, prends garde Ă  ton jupon [27] 40Son voisin, le Pont-Neuf – en fait le plus ancien de la capitale, car il fut le premier construit en pierre – a retenu davantage l’attention Ă  la fin du xixe siĂšcle. On se souvenait alors de la vie intense qu’il avait connue depuis son inauguration en 1604, abritant une foule d’artistes, bateleurs et chanteurs satiriques. En sont encore tĂ©moins les personnages Ă©voquĂ©s dans les chansons de cafĂ©-concert tantĂŽt le pochard qui apostrophe la statue Ă©questre du bon roi Henri IV [28], tantĂŽt le mendiant qui contrefait l’estropiĂ©, l’aveugle, le manchot, le cul de jatte ou le sourd-muet [29]. 41De mĂȘme qu’on cherche Ă  lire le fond du fleuve sous sa surface, on va et vient entre les deux Ă©tages du pont. Sa partie supĂ©rieure, le tablier, est le lieu du passage, de la rencontre fortuite ou du rendez-vous galant, donc un lieu de l’imaginaire poĂ©tique. Mais sous ses arches, se joue une comĂ©die humaine » plus noire ; la voĂ»te est l’obscur refuge d’une population bohĂšme, misĂ©reux, petits mĂ©tiers » d’autrefois qui ne cĂŽtoie guĂšre les passants d’en haut », ceux de la surface parisienne. À des niveaux et des horaires diffĂ©rents, le pont est le symbole d’une sociĂ©tĂ© Ă  plusieurs vitesses 42Pas d’famille, je couche sous les pontsC’est quĂ©qu’fois dur j’vous en rĂ©pondsLa faim, ça vous Ă©puiseJ’suis dans la mouise [30] 43Sur ce thĂšme, rien n’égale le succĂšs de la valse Sous les ponts de Paris » [31], dont la poĂ©sie simple a su toucher le cƓur d’un large public depuis sa crĂ©ation par le chanteur populaire Georgel, en 1913. En trois couplets, elle dĂ©peint le monde nocturne des berges, les personnages qui hantent ces abris de fortune. Des clochards Toutes sortes de gueux se faufilent en cachette / et sont heureux d’trouver une couchette », des amants sans le sou Comme il n’a pas d’quoi s’payer une chambrette / un couple heureux vient s’aimer en cachette », enfin des misĂ©reux sans abri Une mĂšre et ses petits / viennent dormir lĂ , tout prĂšs de la Seine / dans leur sommeil ils oublieront leur peine. » 44Cette Ă©vocation du dessous sombre et populaire du pont convient Ă©videmment Ă  la chanson rĂ©aliste pendant son Ăąge d’or 1910-1930, laquelle amĂšne frĂ©quemment la description de classes sociales opposĂ©es 45Tandis qu’Montmartre s’amuseLes sans l’sou, les pas d’chance »Viennent lĂ  chercher un abri. [32] 46Dans une couleur plus estivale, Mistinguett joue sur cet effet de contraste entre les riches qui vont sur la cĂŽte normande et les pauvres qui restent Ă  Paris mais savent y prendre du bon temps 47Du Point du Jour Ă  CharentonSous les pontsIl y fait frais, il y fait bonSous les pontsLe soir, c’est positif,On y fait la beloteEt comme apĂ©ritif,On a toujours d’la flotte [33] 48AprĂšs la guerre, le dessous du pont disparaĂźtra progressivement du dĂ©cor des chansons, au profit du seul niveau supĂ©rieur, le lieu de la poĂ©sie intemporelle, le prolongement du quais49Au-dessus de la surface de l’eau, qui forme une sorte de premier gradin, les quais parisiens se dĂ©composent en deux niveaux, que dĂ©crit Alexandre Arnoux Un gradin plus haut, le bas port spacieux, plantĂ© de peupliers, d’érables, de platanes Ă  sa limite la plus extĂ©rieure, au pied du quai proprement dit. VoilĂ  ce qui rend unique, Ă  Paris, les berges de la Seine ; [
] Au plus haut gradin, penchĂ©s sur leurs infĂ©rieurs, des arbres encore, et des mĂȘmes espĂšces ; leurs enfourchures dĂ©passent le sommet de ceux du premier degrĂ©. » [34] Ces deux files indiennes d’arbres superposĂ©es laissent filtrer un arriĂšre-plan architectural ; comme une avenue bordĂ©e de façades qui sont autant de monuments, la Seine met en valeur l’harmonie des constructions qui se font face et invite le promeneur Ă  les admirer, tel LĂ©on-Paul Fargue Chef-d’Ɠuvre poĂ©tique de Paris, les quais ont enchantĂ© la plupart des poĂštes, touristes, photographes et flĂąneurs du monde. » [35] 50La Seine offre en effet Ă  ceux qui savent prendre le temps de regarder un spectacle sans cesse renouvelĂ©. Le titi de Paris en attend beaucoup de mouvement Je me paye Ă  l’Ɠil un fauteuil / [
] / En m’battant les flancs / pieds ballants / j’vois passer les chalands. [
] / Jamais on n’verra d’opĂ©ra / ayant plus d’mise en scĂšne » [36]. Le lettrĂ©, lui, est en quĂȘte de tranquillitĂ© 51PrĂšs des rives de la SeineÀ l’heure oĂč vient le soirPar les belles nuits sereinesOn peut aller s’asseoirEt les lumiĂšres qui dansentSur les flots Ă©toilĂ©sSemblent rythmer la cadenceDu cƓur de la citĂ©. [37] 52Ce spectacle mouvant peut aussi suggĂ©rer des envies d’ailleurs. Mais le voyage, lorsqu’il se rĂ©alise, est souvent ressenti comme un exil J’ai le mal de la Seine / qui Ă©coute mes peines / et je regrette tant / les quais doux aux amants. » [38] 53Car peu de capitales, Budapest ou Prague peut-ĂȘtre, offrent au flĂąneur une aussi belle promenade, zone de contact privilĂ©giĂ©e entre l’élĂ©ment liquide et l’élĂ©ment minĂ©ral. LĂ©on-Paul Fargue prĂ©cise ce caractĂšre unique Rien n’est plus de Paris qu’un quai de Seine, rien n’est plus Ă  sa place, dans son dĂ©cor. » [39] Contrairement Ă  d’autres villes comme Rome et Londres, oĂč le fleuve qui les traverse constitue une sorte de frontiĂšre et d’espace sans Ăąme, la Seine semble irriguer Paris et assurer sa cohĂ©sion. 54La description de ce dĂ©cor parisien peut se faire par le voyage au niveau de l’eau 55Traversant la capitaleLentement au fil de l’eauLa promenade idĂ©aleQue l’on fait sur un bateauAh ! les superbes imagesDĂ©filant devant nos yeux. [40] 56ou bien par la flĂąnerie en hauteur 57Sur les quais du vieux ParisL’amour se promĂšneEn cherchant un nidVieux bouquiniste,Belle fleuristeComme on vous aimeVivant poĂšme ! [41] 58Le bouquiniste devant sa boĂźte remplie d’ouvrages et ornĂ©e d’estampes exposĂ©es au vent, figure souvent chantĂ©e [42] et quasiment pĂ©trifiĂ©e du quai parisien, n’a pourtant guĂšre plus d’un siĂšcle. Apparus au xvie siĂšcle, les marchands de livres ambulants Ă©taient tolĂ©rĂ©s sur le Pont-Neuf, oĂč ils se sont multipliĂ©s jusqu’au xviiie siĂšcle. Leur mĂ©tier n’a Ă©tĂ© lĂ©galisĂ© qu’en 1859 par la Ville de Paris abandonnant la voiture Ă  bras, ils ont investi les parapets avec des boĂźtes vertes dont le format et la couleur sont trĂšs rĂ©glementĂ©s [43]. D’abord cantonnĂ©s sur la rive gauche, face aux innombrables libraires des quais Saint-Augustin et Saint-Michel, ils se sont Ă©tendus vers 1900 sur la rive droite, Ă©largissant les frontiĂšres du pays du livre d’occasion Ă  des genres littĂ©raires moins nobles. 59Entre les deux rives, sur l’üle de la CitĂ©, le marchĂ© aux fleurs semble ĂȘtre quant Ă  lui un lieu hors du temps dĂ©diĂ© aux rencontres amoureuses 60En passant sur le quai fleuri de ParisTous les jours c’est le printemps qui me sourit[
] Tendres bouquets, parfums discretsPour quelques francs c’est l’hiver qui disparaĂźt [44] 61Outre le bouquiniste et la fleuriste, la Seine accueille une galerie de personnages immuables 62Bon vieux pĂȘcheur Ă  l’air si douxClochard qui passe et qui s’en foutSilhouette contre un garde-fouAccordĂ©on sur les genouxQui joue la chanson de deux sous [45] 63La chanson des quais repose sur peu de personnages et s’incarne dans un espace restreint. À l’est de Paris, zone assez dĂ©shĂ©ritĂ©e longtemps livrĂ©e aux bĂątiments industriels, LĂ  oĂč le fleuve est gris comme une veine » [46], les rives de la Seine n’ont pas inspirĂ© beaucoup de chansons. Bercy a abritĂ© plusieurs siĂšcles durant les entrepĂŽts de vin et
 des clochards 64Quai de Bercy, quai de la clocheSous un tonneau de PommardSans un radis, les mains aux pochesOn respire le pinard. [47] 65On se souvient Ă  peine d’un marchand de frites qui avait sa clientĂšle d’amoureux quai de la RapĂ©e 66Avec les beaux jours qui reviennentLe long des quais, on se promĂšneEn grignotant, le long de la SeineUn cornet de frites. [48] 67La chanson prĂ©fĂšre se lover au centre, partie la plus cĂ©lĂšbre et la plus frĂ©quentĂ©e, oĂč les berges offrent un cadre idĂ©al pour les idylles 68Et l’on marchait le long des quaisTa bouche me faisait envieJe tournais autour du sujetComme la Seine autour d’Saint-Louis [49] 69L’Île Saint-Louis, aux allures de ville de province posĂ©e au beau milieu de la capitale, a nourri les rĂȘves de grands paroliers des annĂ©es cinquante, comme Henri Contet 70Moi je dors prĂšs de la SeinePrĂšs de la Seine Ă  ParisSous le mĂąt de misaineDu bateau fleuri de l’Île Saint-Louis [50] 71ou bien Francis Claude et LĂ©o FerrĂ© 72L’Île Saint-Louis en ayant marreD’ĂȘtre Ă  cĂŽtĂ© de la CitĂ©Un jour a rompu ses amarresElle avait soif de libertĂ©. [51]Paris-MusĂ©e73Et si la chanson – bien avant l’Unesco en 1990 – avait dĂ©jĂ  dĂ©limitĂ© ce qui, le long des berges de la Seine, relevait du patrimoine commun de l’humanitĂ© ? La portion Ă©lue s’étend de la pointe orientale de l’Île Saint-Louis au pont de Bir-Hakeim. Distinguant le Paris amont, industriel et portuaire, du Paris aval, royal et monumental, ce choix correspond Ă©galement au circuit actuel des bateaux-mouches chargĂ©s de touristes. Comme l’a montrĂ© Françoise Cachin, le centre de Paris s’ossifie et se musĂ©ifie Tout se passe comme si, en quelques annĂ©es, ce centre gĂ©ographique du pouvoir parisien, politique, financier, commercial, Ă©tait devenu le lieu d’un tout autre pouvoir, celui-lĂ  culturel et touristique. » [52] 74Les monuments que l’on peut admirer sur ce parcours, vĂ©ritables monstres sacrĂ©s », ne manquent pas, mais notre but ici n’est pas de les Ă©voquer. La chanson des cent cinquante derniĂšres annĂ©es ne s’est d’ailleurs attachĂ©e qu’à quelques uns d’entre eux. Notre corpus ne contient qu’une seule citation du Louvre ; pas de traces des Invalides, de l’Institut, etc. Sans doute ces hauts lieux de l’architecture et de la culture sont-ils peu Ă  mĂȘme de nourrir l’imagerie populaire. Le passĂ© royal est-il aboli depuis l’incendie des Tuileries que l’on retrouve Ă©voquĂ©s plutĂŽt par les refrains de la Commune ? Dans les chansons, la description du Paris monumental est dissociĂ©e des reprĂ©sentations de la Seine et se fixe davantage sur les hauteurs » du centre la tour pointue » du quai des OrfĂšvres, la tour Saint-Jacques, le souvenir de la tour de Nesle
 L’obĂ©lisque de la place de la Concorde, plus frĂ©quemment citĂ©, est parfois rapprochĂ© de la Tour Eiffel [53], qu’Apollinaire surnommait la bergĂšre des ponts ». Mais cette derniĂšre se dĂ©tache du fleuve pour constituer un emblĂšme de la citĂ© Ă  elle toute seule. De sorte que le nombre abondant de chansons qui la concernent mĂ©riterait une Ă©tude distincte, incluant les expositions universelles. De mĂȘme pour Notre-Dame, qui, prĂ©cĂ©dant la Tour Eiffel, symbolise la ville, presque indĂ©pendamment du fleuve. 75La masse imposante et sĂ©culaire de la cathĂ©drale est en effet surchargĂ©e de symboles, nourris notamment par le roman de Victor Hugo Notre-Dame de Paris publiĂ© en 1831. Mais le lacis de ruelles de la CitĂ© qui entourait la cathĂ©drale a Ă©tĂ© pour ainsi dire rasĂ© par Haussmann en 1865, n’épargnant que les extrĂ©mitĂ©s orientale et occidentale de l’üle, pour laisser place Ă  une citĂ© administrative sans Ăąme. Un vaste parvis servant surtout aux exercices de la garde rĂ©publicaine fut dĂ©gagĂ© devant la cathĂ©drale, dont Viollet-le-Duc venait d’achever la profonde restauration 1844-1864. Et ce n’est pas un hasard si de nombreuses chansons sur Notre-Dame, qui en gĂ©nĂ©ral personnifient le monument sur un ton hugolien, datent des annĂ©es 1870-1910 76Du vieux Paris, je suis toute l’histoire,Chantant sa joie et pleurant sa douleur,J’ai vu ses jours de misĂšre et de gloire,Je l’ai vu naĂźtre et j’ai vu sa splendeur ! [54] 77La chanson des trois dĂ©cennies suivantes semble bouder la vieille bĂątisse et il faut attendre les annĂ©es cinquante la cathĂ©drale a jouĂ© un rĂŽle central en aoĂ»t 1944 pour trouver en nombre des chansons sur Notre-Dame, traitĂ©e sous l’angle du symbole 78VoilĂ  pourquoi Paris s’enroule,S’enroule comme un escargotPourquoi la terre s’est mise en bouleAutour des cloches et du parvisNotre-Dame de Paris. [55] 79Le nom de Notre-Dame fait Ă©cho dans tout le pays. Lieu majeur de l’identitĂ© nationale, elle est aussi devenue, avec l’étoile Ă  huit branches, astre de mĂ©tal jaune incrustĂ© au revĂȘtement du parvis, le point zĂ©ro des routes de France. 80L’obĂ©lisque, quant Ă  lui, est utilisĂ© comme lieu de rendez-vous dans des intrigues d’opĂ©rettes [56], et les FrĂšres Jacques, interprĂ©tant une ode lĂ©gĂšre et surrĂ©aliste de Jean Tardieu, situent place de la Concorde le point de rencontre improbable dans un Paris dĂ©sert de deux Parisiens du sexe opposĂ© habitant l’un sur la rive droite Montmartre et l’autre sur la rive gauche Montsouris 81Du sud au nord, du nord au sudDe beau matin ils sont partisSur la place de la ConcordeIls se sont rencontrĂ©s Ă  midi. [57] 82En dĂ©finitive, la balade en chansons le long de la Seine rĂ©vĂšle deux points de convergence majeurs de la gĂ©ographie parisienne, au croisement de lignes perpendiculaires Notre-Dame et la Concorde. 83Ces deux lieux attirent le monde entier ministres ou diplomates conviĂ©s Ă  des cĂ©rĂ©monies, et surtout touristes massĂ©s au bas des Champs-ElysĂ©es, comme devant la façade de la cathĂ©drale. AprĂšs la restauration des tours de Notre-Dame, la sauvegarde de sa crypte et le rĂ©amĂ©nagement de son parvis, on songe de maniĂšre rĂ©currente Ă  crĂ©er une zone piĂ©tonne autour de l’obĂ©lisque redorĂ© de la Concorde. 84C’est d’ailleurs l’ensemble des berges voisines qui aspire Ă  la mĂȘme transformation. À l’opposĂ© de ce qu’avait imposĂ© Georges Pompidou quand, en 1964, il faisait construire la premiĂšre voie express et en imaginait une autre. AprĂšs l’ùre du tout automobile s’annonce celle de la reconquĂȘte des berges par le piĂ©ton et le touriste. 85En 1996, dĂ©jĂ , Étienne Daho amorce la tendance, invitant la BrĂ©silienne Astrud Gilberto Ă  chanter avec lui sur un rythme lancinant les promenades des amoureux des dimanches d’étĂ© 86Avec toi j’aime bien traĂźner, traĂźner
À Paris plage, Paris paresseuseLes soirs d’étĂ© sont chaudsParis Eldorado sur l’eau [58] 87Daho prĂ©figure un nouveau style touristo-balnĂ©aire et l’expression Paris plage » qu’il inaugure ici fera florĂšs. Le rĂȘve se muera en rĂ©alitĂ© en juillet 2002. Au cƓur du Paris historique du Pont des Arts Ă  l’Île Saint-Louis, la rive droite, celle qui est ensoleillĂ©e, devient pour un mois le lieu de rendez-vous des amateurs de sable, de douche et de jeux en plein air. Le piĂ©ton parisien retrouve ainsi pour un temps le terrain perdu – non sans polĂ©mique – et le touriste s’amuse de cette initiative originale. On peut parler d’une nouvelle forme de dĂ©ambulation qui voit se croiser les badauds et les bronzeurs invĂ©tĂ©rĂ©s, voire d’un nouveau point de vue sur le Paris monumental. AprĂšs avoir dessinĂ© d’instinct l’espace de Paris-MusĂ©e, la chanson a prĂ©figurĂ© la dimension festive et rassembleuse que la ville moderne veut lui ajouter. Pour donner Ă  l’extĂ©rieur l’image d’une citĂ© globale, la mĂ©tropole a besoin en son centre d’une scĂšne. Notes [1] Dans la prĂ©face de l’ouvrage Paris, ses poĂštes, ses chansons, Paris, Seghers, 1973, p. 5. [2] L’air de Paris » paroles Francis Lemarque – musique Marc Heyral 1957. [3] À Paris » p & m Francis Lemarque, lancĂ©e par Yves Montand en 1948. [4] La Seine » p Flavien Monod et Guy Lafarge – m Guy Lafarge, laurĂ©ate en 1948 du premier Grand concours de la chanson Ă  Deauville, interprĂ©tĂ©e par RenĂ©e Lamy. [5] Chanson de la Seine » p Jacques PrĂ©vert – m Joseph Kosma, tirĂ©e du film Aubervilliers d’Élie Lotar 1946. [6] T’en souviens-tu la Seine » p & m Anne Sylvestre 1964. [7] À la Seine » p Jean-Roger Caussimon – m LĂ©o FerrĂ© 1951. [8] Complainte de la Seine » p Maurice Magre – m Kurt Weill, créée par Lys Gauty en 1934. [9] Fleur de Seine » p EugĂšne Joullot et Fernand Disle – m Émile Spencer 1901. [10] Aux victimes de l’inondation » p Valentin Pannetier sur l’air Laisse-moi pleurer » m Vercolier 1910. [11] Comme l’a montrĂ© Isabelle Backouche dans son ouvrage La Trace du fleuve la Seine et Paris 1750-1850, Paris, EHESS, 2000. [12] Voir Christian Dupavillon, Paris cĂŽtĂ© Seine, Paris, 2001, Le Seuil, pp. 154-157. [13] Tout le long de la Seine » p RenĂ© PourriĂšre – m Edmond Brunswick 1914. [14] L’affaire du bateau-mouche » p Paul Gilson – m Henri-Jacques Dupuy ca 1957. [15] Le bateau-mouche » p & m David McNeil 1992. [16] Les marins parisiens » p AndrĂ© Mauprey – m Charles Jardin et FrĂ©do Gardoni ca 1930. [17] Le capitaine du bateau-mouche » p Marc Paugeat – m Robert Morell et Fred Arlys 1936. [18] Les ponts de Paris » p Delormel et Belhiatus – m Albert Petit 1888. [19] Les amoureux du Pont de l’Alma » p Mouloudji – m Le Guen 1963. [20] Extrait d’une lettre Ă  Madeleine PagĂšs 1915. [21] Document Les archives de la parole » dĂ©cembre 1912, conservĂ© au DĂ©partement de l’audiovisuel de la BNF. [22] Puis Ă  nouveau par Louis BessiĂšres, AndrĂ© Grassi, Raymond Bernard
 [23] Amour en 19 ponts » p & m Provins 1961. [24] Sur les jolis ponts de Paris » p Paul Fort – m Henri Casadesus 1945. [25] Monique Marty, Mini Saga des ponts de Paris, Port autonome de Paris, Paris, 1979, p. 13. [26] Le pont des arts » p Jean Lambertie – m Pierre Avray 1951. [27] Le vent » p & m Brassens 1952. [28] Le pochard du Pont-Neuf » p Villemer et Delormel – m Auguste Teste 1889. [29] Le mendiant du Pont-Neuf » p Delormel et Garnier – m Émile Spencer 1894. [30] La mouise » p Julsam et Denola – m Octave Rodde et Francis Galifer ca 1930. [31] Sous les ponts de Paris » p Jean Rodor – m Vincent Scotto 1913. [32] Sur les quais de Paris » p Jean Rodor – m Van Hoorebeke 1933. [33] Sous les ponts » p Vincent Telly, GĂ©o Koger et Henri Varna – m Vincent Scotto 1931. [34] Alexandre Arnoux, Paris ma grand’ville, Paris, Flammarion, 1949, pp. 31-32. [35] LĂ©on-Paul Fargue, Le PiĂ©ton de Paris, Paris, Gallimard, 1939 rééd. 1993, p. 72. [36] Les quais » p Victor Meusy – m Georges Marietti, créée par EugĂ©nie Buffet en 1894. [37] PrĂšs des rives de la Seine » p & m Charlys, créée par Jean Cyrano en 1932. [38] Le mal de Paris » p Mouloudji – m Pierre Arimi, créée par Mouloudji en 1951. [39] LĂ©on-Paul Fargue, Le PiĂ©ton de Paris, op. cit., p. 72. [40] Sur les quais de Paris » p Jean Rodor – m Van Hoorebeke 1933. [41] Sur les quais du vieux Paris » p Louis Poterat – m Ralph Erwin, créée par Lucienne Delyle en 1939. [42] Par exemple dans Les quais de la Seine » p Jean DrĂ©jac – m Jean DrĂ©jac et AndrĂ© Lodge 1947. [43] Voir Christian Dupavillon, Paris cĂŽtĂ© Seine, Paris, Le Seuil, 2001, pp. 84-85. [44] En passant sur le quai fleuri » p François Llenas – m Roger Lucchesi, créée par AndrĂ© Claveau en 1944. [45] VoilĂ  la Seine » p Jacques Mareuil – m Jacques Mareuil et Daniel White ca 1950. [46] Quai de Bercy » p Henri Gougaud – m JosĂ© Cana, créée par Henri Gougaud vers 1965. [47] Quai de Bercy » p Maurice Chevalier – m Alstone, créée par Maurice Chevalier en 1946. [48] Cornet de frites » p Francis Lemarque – m Bob Astor, créée par Yves Montand en 1950. [49] Place Saint-Michel » p Maurice Robin – m Michel Poggi 1957. [50] Moi je dors prĂšs de la Seine » p Henri Contet – m Paul Durand, créée par Jacqueline François en 1953. [51] L’Île Saint-Louis » p Francis Claude et LĂ©o FerrĂ© – m LĂ©o FerrĂ© 1952. [52] Françoise Cachin, Paris musĂ©ifiĂ© », Le DĂ©bat, n° 80, mai-aoĂ»t 1994 Le nouveau Paris. [53] Sur le mode satirique dans Sur l’obĂ©lisque » p RenĂ© Dorin – m A. Renaud 1932, ou sur le mode grivois dans Ça ne vaut pas la tour Eiffel ! » p Richard O’Monroy – m DĂ©sirĂ© Dihau 1900. [54] Notre-Dame de Paris » p Paul Burani et Alfred Isch-Wall – m Francis Chassaigne ca 1870. [55] Notre-Dame de Paris » p Eddy Marnay – m Marc Heyral, créée par Edith Piaf en 1952. [56] Va m’attendre autour de l’obĂ©lisque » p LĂ©o MarchĂšs et Georges Lignereux – m Philippe ParĂšs et Georges Van Parys de l’opĂ©rette La petite dame du train bleu » 1927, puis Attends-moi sous l’obĂ©lisque » p François Llenas et M. Vandal – m Guy Lafarge de l’opĂ©rette Bel amour » 1944. [57] Place de la Concorde » p Jean Tardieu – m Maurice Thiriet 1954. [58] Les bords de Seine » p Étienne Daho et Astrud Gilberto – m Arnold Turboust et Bally 1996. Jacques PrĂ©vert dĂ©crit le fleuve dans sa “Chanson de la Seine”, qui apparaĂźt dans le court mĂ©trage “AUBERVILLIERS” rĂ©alisĂ© en 1945 et distribuĂ© en complĂ©ment de programme de “LA BATAILLE DU RAIL” de RenĂ© ClĂ©ment. Le poĂšme s’inscrit dans cette tradition de reprĂ©senter dans la poĂ©sie la Seine comme une figure fĂ©minine courtisĂ©e par les parisiens et les touristes. Chanson de la Seine. La Seine a de la chance Elle n’a pas de souci Elle se la coule douce Le jour comme la nuit Et elle sort de sa source Tout doucement, sans bruit, Et sans se faire de mousse Sans sortir de son lit Elle s’en va vers la mer En passant par Paris La Seine a de la chance Elle n’a pas de soucis Et quand elle se promĂšne Tout le long de ses quais Avec sa belle robe verte Et ses lumiĂšres dorĂ©es Notre-Dame jalouse Immobile et sĂ©vĂšre Du haut de toutes ses pierres La regarde de travers Mais la Seine s’en balance Elle n’a pas de soucis Elle se la coule douce Le jour comme la nuit Et s’en va vers le Havre Et s’en va vers la mer En passant comme un rĂȘve Au milieu des mystĂšres Des misĂšres de Paris. » PRÉVERT Jacques, Chanson de la Seine » poĂšme mis en chanson en 1945 dans le court mĂ©trage “AUBERVILLIERS”, Spectacles recueil, Gallimard, 1951. Tous droits rĂ©servĂ©s © Navigation des articles GĂ©ocritique de la Seine [Ce qui suit est un work-in-progress. Il s’agit du dossier PrĂ©vert que j’ai prĂ©parĂ© Ă  l’intention des Ă©tudiantes et Ă©tudiants d’un CĂ©gep qui participeront au Concours PrĂ©vert qu’organise leur institution Ă  l’hiver 2013. Il reste certainement des imperfections, coquilles, maladresses ou omissions dans ce texte vous pouvez me les signaler soit ici, soit Ă  [email protected]] PrĂ©sentation 1. Qui est Jacques PrĂ©vert? 2. Quelques remarques sur la poĂ©sie de PrĂ©vert Bibliographie PrĂ©sentation Dans les pages qui suivent, je souhaite vous donner, trĂšs briĂšvement, sur la vie et l’Ɠuvre de Jacques PrĂ©vert, et en particulier sur sa poĂ©sie et ses chansons, quelques informations qui pourront vous ĂȘtre utiles pour prĂ©parer votre participation au Concours PrĂ©vert» qu’organise votre CĂ©gep. PrĂ©vert, vous le verrez, laisse une Ɠuvre abondante et dans laquelle plusieurs genres sont abordĂ©s — la poĂ©sie et la chanson, comme je l’ai dit, mais aussi le cinĂ©ma, le théùtre, le ballet, les arts visuels et mĂȘme la critique des mĂ©dias. Dans chacune de ces activitĂ©s, PrĂ©vert, et c’est assez singulier pour ĂȘtre remarquĂ© d’emblĂ©e, a connu d’immenses succĂšs, tant populaires qu’auprĂšs des intellectuels et des spĂ©cialistes des domaines oĂč il a ƓuvrĂ©. C’est ainsi qu’il est sans doute le plus populaire et le plus lu des poĂštes francophones du XXe siĂšcle mais qu’il est aussi entrĂ© dans la prestigieuse PlĂ©iade; que certaines de ses chansons ont fait le tour du monde mais aussi que leur originalitĂ© force aujourd’hui encore l’admiration des connaisseurs; que si certains de ses films ont connu de grands succĂšs populaires, ils sont aussi, dĂ©sormais, considĂ©rĂ©s comme des classiques du septiĂšme art et que l’un d’entre eux, Les enfants du Paradis, est souvent donnĂ© comme le meilleur film français de tous les temps; et que ses collages s’arrachent dĂ©sormais Ă  prix d’or, du moins quand on a la chance d’en trouver un sur le marchĂ©. C’était pourtant un homme modeste, qui n’avait pas Ă©tĂ© longtemps Ă  l’école il avait tout juste fini ses Ă©tudes primaires
 et une sorte d’anarchiste lyrique qui dĂ©testait les poses et les importants, les intellectuels qui se prennent trop au sĂ©rieux, l’armĂ©e, la religion et en un mot tous les pouvoirs. De ses succĂšs, c’est certainement celui qu’il rencontrait auprĂšs du peuple et des gens simples, des travailleurs, qui lui importait le plus. J’écris pour des lecteurs, dira-t-il. Quand j’ai travaillĂ© ou quand je travaille encore parfois au cinĂ©ma, c’est pour des spectateurs. D’aucuns Ă©crivent pour des littĂ©rateurs, des gens de leur spĂ©cialité » Mais commençons par le commencement en rappelant qui est Jacques PrĂ©vert. 1. Qui est Jacques PrĂ©vert? Une rapide esquisse Jacques PrĂ©vert est nĂ© Ă  Paris, Ă  Neuilly-sur-Seine, le 4 fĂ©vrier 1900. Son pĂšre semble avoir Ă©tĂ© une sorte de dilettante qui avait des ambitions littĂ©raires inassouvies et la famille ne vit pas richement. TrĂšs jeune, le petit Jacques dĂ©montre une grande facilitĂ© avec la langue qui ne le quittera jamais. Il est le seul Ă  parler comme tout le monde», diront plus tard de lui ses amis aprĂšs l’avoir l’écoutĂ© improviser ce qui, retravaillĂ©, pourrait devenir un poĂšme, une chanson, un dialogue de film. AprĂšs ses Ă©tudes primaires, il commence Ă  travailler, fait divers mĂ©tiers et les 400 coups, n’échappant probablement Ă  l’étiquette de jeune dĂ©linquant » que parce qu’elle n’était pas encore en usage. Puis, en 1917, c’est le service militaire alors obligatoire, une torture pour lui qui, dĂ©jĂ , a l’armĂ©e en horreur. Pour se faire rĂ©former en se faisant passer pour fou, il s’est prĂ©sentĂ© Ă  l’examen mĂ©dical en disant J’ai des boutons!». Et, de fait, il s’était cousu de vrais boutons sur le corps
 Sans succĂšs. À l’armĂ©e, Ă  Istanbul, il fait la rencontre de Marcel Duhamel, le futur crĂ©ateur de la sĂ©rie de romans policiers La SĂ©rie Noire c’est PrĂ©vert qui lui trouve ce titre et d’Yves Tanguy, le futur peintre surrĂ©aliste. Duhamel provient d’une famille riche. De retour Ă  Paris, il dirige un grand hĂŽtel appartenant Ă  sa famille et il installe Ă  ses frais ses nouveaux amis dans un petit pavillon au 54, rue du ChĂąteau, Ă  Paris. Ce pavillon devient au milieu des annĂ©es 20 un des hauts lieux du mouvement surrĂ©aliste, quand les surrĂ©alistes, AndrĂ© Breton en tĂȘte, se mettent Ă  le frĂ©quenter. C’est lĂ  qu’un soir, pour passer le temps, PrĂ©vert propose de jouer aux petits papiers», chacun, sans savoir ce que les autres ont Ă©crit, complĂ©tant une phrase en Ă©crivant tour Ă  tour le sujet, le verbe, le complĂ©ment, etc. PrĂ©vert commence la premiĂšre phrase qui sort de ce jeu en Ă©crivant Le cadavre». Ce sera sous le nom de cadavre exquis» que le jeu restera connu la phrase produite Ă©tait en effet cette fois-lĂ  Le cadavre exquis boira le vin nouveau». Le contact des surrĂ©alistes est crucial dans la formation de PrĂ©vert. Il aura beau dire, plus tard, qu’il Ă©tait dans ces annĂ©es-lĂ  plus homme de main qu’homme de lettres», c’est bien dans ce milieu qu’il affine sa sensibilitĂ©, se cultive, lit, et tout cela auprĂšs de gens qui seront, comme lui, des gĂ©ants de la littĂ©rature AndrĂ© Breton, Louis Aragon, Paul Éluard, Robert Desnos, Raymond Queneau et bien d’autres. PrĂ©vert se passionne alors pour le cinĂ©ma, sans se douter encore qu’il deviendra plus tard son mĂ©tier. AprĂšs une scission au sein des surrĂ©alistes, PrĂ©vert, avec d’autres, rompt en 1930 avec Breton, contre qui il rĂ©dige Mort d’un monsieur», son premier texte publiĂ©. Commence ensuite une pĂ©riode durant laquelle PrĂ©vert Ă©crit, beaucoup, pour la troupe de théùtre Le Groupe octobre. La troupe pratique un théùtre militant et PrĂ©vert lui Ă©crit le jour des textes que les comĂ©diens rĂ©pĂštent le soir et jouent le lendemain pour appuyer une cause une grĂšve, par exemple ou intervenir dans un dĂ©bat. C’est donc du théùtre trĂšs engagĂ©, appelĂ© alors Agit/Prop, pour agitation/propagande. Ce travail lui fait rencontrer un metteur en scĂšne de cinĂ©ma, Marcel carnĂ©, et, entre 1935 et 1945, PrĂ©vert va Ă©crire de nombreux films. C’est comme scĂ©nariste et dialoguiste de cinĂ©ma qu’il est alors le plus connu, mĂȘme s’il Ă©crit aussi des poĂšmes et des chansons et que certains sont publiĂ©s en revues. La sortie du recueil Paroles, en 1946, est un Ă©vĂ©nement et PrĂ©vert va peu Ă  peu dĂ©laisser le cinĂ©ma et se consacrer Ă  la poĂ©sie, Ă  la chanson, Ă  ses collages et Ă  sa famille car il est dĂ©sormais en couple et pĂšre d’une petite fille, nĂ©e en 1946. Les recueils se succĂšdent, les chansons, plus tard les collages, les collaborations avec ses amis, notamment des peintres qu’il affectionne, dont Picasso, Joan Miro et plusieurs autres, et des photographes. Celui qu’on ne voyait presque jamais sans une cigarette au bec meurt en 1977 d’un prĂ©visible cancer du poumon et est enterrĂ© Ă  Omonville-la-Petite, oĂč il a fini ses jours. Sa maison est dĂ©sormais un musĂ©e. 2. Quelques remarques sur la poĂ©sie de PrĂ©vert thĂšmes qui lui sont chers et formes qu’il affectionne Rien ne remplace la lecture des textes, le visionnement des films, ou l’écoute des chansons — et pour vous orienter dans tout cela, vous pouvez consulter la bibliographie qui suit. Mais voici tout de mĂȘme quelques pistes qui pourront vous inspirer pour rĂ©diger votre texte Son premier recueil de poĂšmes est paru en 1945. PrĂ©vert, on l’a vu, est alors dĂ©jĂ  bien connu comme auteur de cinĂ©ma, mais il Ă©crit aussi des poĂšmes et des chansons depuis longtemps. Il a publiĂ© certains de ces textes, dans des revues, et il en a distribuĂ© d’autres en les donnant Ă  des amis. Puis un professeur de philosophie a rĂ©uni tout ce qu’il a pu trouver et en a fait une Ă©dition-maison pour ses Ă©lĂšves. Quand un vrai Ă©diteur publiera ces textes et quelques autres, PrĂ©vert choisira comme titre Paroles. Cela nous donne une indication de ce qu’ils sont proches de la parole, ces poĂšmes sont faits pour ĂȘtre dits — ou chantĂ©s. Ils Ă©pousent donc le rythme, les respirations de la parole; on devine en les lisant comment il faut les dire, les intonations qui conviennent, le souffle qui les anime. PrĂ©vert pratique souvent le vers libre, non comptĂ©. Mais il est capable Ă  l’occasion de produire un bel alexandrin [Et toi] / comme un algue doucement caressĂ© par le vent/ Dans les sables du lit tu remues en rĂȘvant Alors que tant de poĂštes parlent souvent au Je» et dĂ©crivent leurs sentiments, leurs Ă©motions, leurs pensĂ©es et leur vie intĂ©rieure, PrĂ©vert, lui, Ă©crit souvent au Il» et mĂȘme au Ils» c’est-Ă -dire qu’il dĂ©crit des personnages et raconte des Ă©vĂ©nements. Son sujet, en ce sens, c’est le monde plus que lui — et en particulier, d’un cĂŽtĂ©, cette part du monde qu’il affectionne et qu’il dĂ©crit amoureusement et, de l’autre, cette autre part avec laquelle il est en lutte. Sa poĂ©sie est donc, pour beaucoup, celle du regard portĂ© vers le monde extĂ©rieur, plus que de celui, introspectif, portĂ© sur soi. Il pratique d’ailleurs un genre particulier et qu’on pourrait appeler cinĂ©graphique», je veux dire un poĂšme Ă©crit avec des images et qui ressemble Ă  un dĂ©coupage de film rappelez-vous qu’il a Ă©crit pour le cinĂ©ma et ses scĂ©narii Ă©taient connus pour ĂȘtre remarquables de prĂ©cision dans leur description de ce qui devrait ĂȘtre vu par le spectateur. Dans les textes de ce genre, PrĂ©vert accumule en quelque sorte des plans» et on assiste au dĂ©roulement d’un scĂ©nario. ConsidĂ©rez ces deux exemples, remarquables d’efficacitĂ© Le message La porte que quelqu’un a ouverte La porte que quelqu’un a refermĂ©e La chaise oĂč quelqu’un s’est assis Le chat que quelqu’un a caressĂ© Le fruit que quelqu’un a mordu La lettre que quelqu’un a lue La chaise que quelqu’un a renversĂ©e La porte que quelqu’un a ouverte La route oĂč quelqu’un court encore Le bois que quelqu’un traverse La riviĂšre oĂč quelqu’un se jette L’hĂŽpital oĂč quelqu’un est mort. Premier jour Des draps blancs dans une armoire Des draps rouges dans un lit Un enfant dans sa mĂšre Sa mĂšre dans les douleurs Le pĂšre dans le couloir Le couloir dans la maison La maison dans la ville La ville dans la nuit La mort dans un cri Et l’enfant dans la vie La poĂ©sie de PrĂ©vert, sous son apparente facilitĂ©, est cependant le rĂ©sultat d’un grand travail, mais d’un travail qui s’efforce d’ĂȘtre invisible. Il sait parfaitement, par exemple, ce qu’est ce naturel de la parole qu’il veut produire et combien il faudra travailler pour que le rĂ©sultat ait l’air naturel. PrĂ©vert a exprimĂ© tout cela, en mĂȘme temps que sa conception de l’art, de la littĂ©rature et de la crĂ©ation, dans un texte cĂ©lĂšbre, qui est comme son art poĂ©tique» et dans lequel tous ces thĂšmes liĂ©s Ă  la crĂ©ation sont exploitĂ©s par la mĂ©taphore du portrait d’un oiseau que rĂ©alise un peintre. Lisez-le attentivement et vous verrez que PrĂ©vert, qui n’aime pas thĂ©oriser sur la poĂ©sie, s’y livre ici, avec pudeur, sur ce qu’il pense ĂȘtre la poĂ©sie ou l’art Pour faire le portrait d’un oiseau Peindre d’abord une cage avec une porte ouverte peindre ensuite quelque chose de joli quelque chose de simple quelque chose de beau quelque chose d’utile pour l’oiseau placer ensuite la toile contre un arbre dans un jardin dans un bois ou dans une forĂȘt se cacher derriĂšre l’arbre sans rien dire sans bouger
 Parfois l’oiseau arrive vite mais il peut aussi mettre de longues annĂ©es avant de se dĂ©cider Ne pas se dĂ©courager attendre attendre s’il le faut pendant des annĂ©es la vitesse ou la lenteur de l’arrivĂ©e de l’oiseau n’ayant aucun rapport avec la rĂ©ussite du tableau Quand l’oiseau arrive s’il arrive observer le plus profond silence attendre que l’oiseau entre dans la cage et quand il est entrĂ© fermer doucement la porte avec le pinceau puis effacer un Ă  un tous les barreaux en ayant soin de ne toucher aucune des plumes de l’oiseau Faire ensuite le portrait de l’arbre en choisissant la plus belle de ses branches pour l’oiseau peindre aussi le vert feuillage et la fraĂźcheur du vent la poussiĂšre du soleil et le bruit des bĂȘtes de l’herbe dans la chaleur de l’étĂ© et puis attendre que l’oiseau se dĂ©cide Ă  chanter Si l’oiseau ne chante pas C’est mauvais signe signe que le tableau est mauvais mais s’il chante c’est bon signe signe que vous pouvez signer Alors vous arrachez tout doucement une des plumes de l’oiseau et vous Ă©crivez votre nom dans un coin du tableau Un thĂšme rĂ©current chez lui est d’ailleurs une critique des intellectuels jugĂ©s poseurs et prĂ©tentieux et il a toujours professĂ© une rĂ©elle mĂ©fiance Ă  leur endroit. Le voici par exemple se moquant, avec verve, de poĂštes qui se prennent au sĂ©rieux, alors qu’il vante la poĂ©sie de son ami AndrĂ© Verdet, qui, lui, n’écrit pas des poĂšmes comme ceux-lĂ , Verdet qui n’écrit Pas des poĂšmes le doigt aux cieux les yeux pareils les deux mains sur le front et l’encre dans la bouteille/ pas des poĂšmes orthopĂ©guystes mea culpiens garibaldiens/ pas des poĂšmes qui dĂ©roulent comme sur DĂ©roulĂšde leurs douze nĂ©o pieds bots salutaires rĂ©glementaires cinĂ©raires exemplaires et apocalyptiques/ pas de ces Ă©difiantes et torturantes piĂšces montĂ©es/ oĂč le poĂšte se drapant vertigineusement dans les lambeaux tardifs et Ă©triquĂ©s de son complet de premiĂšre communion/ avec sur la tĂȘte un casque de tranchĂ©e juchĂ© sur les vestiges d’un bĂ©ret d’étudiant/ se place soi-mĂȘme tout seul arbitrairement en premiĂšre ligne de ses catacombes mentales/ sur sa petite tour de Saint Supplice/ au sommet de sa propre crĂšme fouettĂ©e/ donnant ainsi l’affligeant spectacle de l’homme affligĂ© de l’affligeant et trĂšs banal complexe de supĂ©rioritĂ©.» Mais le texte le plus connu de PrĂ©vert sur ce thĂšme est probablement celui-ci Il ne faut pas Il ne faut pas laisser les intellectuels jouer avec les allumettes Parce que Messieurs quand on le laisse seul Le monde mental Messieurs N’est pas du tout brillant Et sitĂŽt qu’il est seul Travaille arbitrairement S’érigeant pour soi-mĂȘme Et soi-disant gĂ©nĂ©reusement en l’honneur des travailleurs du bĂątiment Un auto-monument RĂ©pĂ©tons-le Messsssieurs Quand on le laisse seul Le monde mental Ment Monumentalement. Vous le devinez l’humour n’est pas absent de l’univers de PrĂ©vert, qui ne dĂ©daigne pas le jeu de mot, mĂȘme approximatif, le calembour, et les effets comme ceux que produit la contrepĂšterie. Martyr, c’est pourrir un peu», Ă©crit-il. Une des procĂ©dĂ©s qu’il affectionne est l’inventaire, accumulation d’objets voire d’idĂ©es mĂȘme disparates et qui peut produire des effets cocasses. Un poĂšme de Paroles s’intitule d’ailleurs Inventaire et on y trouve un raton laveur dĂ©sormais emblĂ©matique de PrĂ©vert. Dans la langue courante on parle d’ailleurs aujourd’hui d’un inventaire Ă  la PrĂ©vert» pour dĂ©signer ce procĂ©dĂ©. PrĂ©vert Ă©crit des textes trĂšs longs de 25 pages ou plus, parfois et des poĂšmes courts, voire trĂšs courts, de quelques lignes Ă  peine. En certains cas, quelques mots lui suffisent pour exprimer une idĂ©e, en certains cas en s’amusant aux dĂ©pens de ses tĂȘtes de turcs. Par exemple Les Paris Stupides Un certain Blaise Pascal – etc
 etc
 Les belles familles Louis I Louis II Louis III Louis IV Louis V Louis VI Louis VII Louis VIII Louis IX Louis X dit le Hutin Louis XI Louis XII Louis XIII Louis XIV Louis XV Louis XVI Louis XVII Louis XVIII et plus personne plus rien
 qu’est-ce que c’est que ces gens-lĂ  qui ne sont pas foutus de compter jusqu’à vingt ? Il y a dans la poĂ©sie de PrĂ©vert Ă  la fois une grande tendresse et une grande colĂšre. Sa tendresse va en particulier aux enfants, aux animaux il aime particuliĂšrement les oiseaux, aux amoureux, aux petites gens, aux travailleurs; sa colĂšre se dĂ©ploie entre autres contre la religion, les pouvoirs politiques, l’armĂ©e, les possĂ©dants, les exploiteurs. Le PrĂ©vert tendre est beaucoup lu par les enfants dans les Ă©coles. Non sans raison il sait les toucher. Voyez cet exemple Le cancre Il dit non avec la tĂȘte mais il dit oui avec le coeur il dit oui Ă  ce qu’il aime il dit non au professeur il est debout on le questionne et tous les problĂšmes sont posĂ©s soudain le fou rire le prend et il efface tout les chiffres et les mots les dates et les noms les phrases et les piĂšges et malgrĂ© les menaces du maĂźtre sous les huĂ©es des enfants prodiges avec des craies de toutes les couleurs sur le tableau noir du malheur il dessine le visage du bonheur Ou encore celui-ci Chanson des Escargots qui vont Ă  l’enterrement A l’enterrement d’une feuille morte Deux escargots s’en vont Ils ont la coquille noire Du crĂȘpe autour des cornes Ils s’en vont dans le soir Un trĂšs beau soir d’automne HĂ©las quand ils arrivent C’est dĂ©jĂ  le printemps Les feuilles qui Ă©taient mortes Sont toutes rĂ©ssucitĂ©es Et les deux escargots Sont trĂšs dĂ©sappointĂ©s Mais voila le soleil Le soleil qui leur dit Prenez prenez la peine La peine de vous asseoir Prenez un verre de biĂšre Si le coeur vous en dit Prenez si ça vous plaĂźt L’autocar pour Paris Il partira ce soir Vous verrez du pays Mais ne prenez pas le deuil C’est moi qui vous le dit Ça noircit le blanc de l’oeil Et puis ça enlaidit Les histoires de cercueils C’est triste et pas joli Reprenez vous couleurs Les couleurs de la vie Alors toutes les bĂȘtes Les arbres et les plantes Se mettent a chanter A chanter a tue-tĂȘte La vrai chanson vivante La chanson de l’étĂ© Et tout le monde de boire Tout le monde de trinquer C’est un trĂšs joli soir Un joli soir d’étĂ© Et les deux escargots S’en retournent chez eux Ils s’en vont trĂšs Ă©mus Ils s’en vont trĂšs heureux Comme ils ont beaucoup bu Ils titubent un petit peu Mais la haut dans le ciel La lune veille sur eux. Mais la poĂ©sie est aussi pour lui une arme de combat contre ce qui lui semble boucher notre bonheur. Les curĂ©s, les possĂ©dants, les exploiteurs, les militaires font alors l’objet de virulentes critiques. PrĂ©vert n’est plus alors le gentil poĂšte pour enfants, mais un homme engagĂ© et en colĂšre. Par exemple durant la Guerre d’Espagne, outrĂ© de l’aliance de l’église avec les fascistes espagnols, PrĂ©vert rĂ©dige La crosse on l’air, un long texte trĂšs virulent qui s’ouvre ainsi Rassurez-vous braves gens ce n’est pas un appel Ă  la rĂ©volte c’est un Ă©vĂȘque qui est saoul et qui met sa crosse en l’air comme ça
 en titubant
 il est saoul il a sur la tĂȘte cette coiffure qu’on appelle mitre et tous ses vĂȘtements sont brodĂ©s richement il est saoul il roule dans le ruisseau sa mitre tombe c’est le soir ça se passe rue de Rome prĂšs de la gare Saint-Lazare sur le trottoir il y a un chien il est assis sur son cul il regarde l’évĂȘque l’évĂȘque regarde le chien ils se regardent en chiens de faĂŻence mais voilĂ  l’évĂȘque fermant les yeux l’évĂȘque secouĂ© par le hoquet le chien reste immobile et seul mais l’évĂȘque voit deux chiens dĂ©gueulis
 dĂ©gueulis
 dĂ©gueulis voilĂ  l’évĂȘque qui vomit dans le ruisseau passent des cheveux
 
des vieux peignes
 
des tickets de mĂ©tro
 des morceaux d’ouate thermogĂšne
 des prĂ©servatifs
 des bouchons de liĂšge
 des mĂ©gots l’évĂȘque pense tristement Est-il possible que j’aie mangĂ© tout ça le chien hausse les Ă©paules et s’enfuit avec la mitre l’évĂȘque reste seul devant la pharmacie ça se passe rue de Rome rue de Rome il y a une pharmacie l’évĂȘque crie le pharmacien sort de sa pharmacie il voit l’évĂȘque il fait le signe de la croix puis plaçant ensuite deux doigts dans la bouche de l’évĂȘque il l’aide
 
 il aide l’évĂȘque Ă  vomir
 l’autre appelle son fils fait le signe de la croix puis recommence Ă  vomir le pharmacien avec les doigts qui ont fait le signe de la croix aide encore l’évĂȘque Ă  vomir puis fait le signe de la croix et ainsi de suite alternativementsigne de la croix et vomissement PrĂ©vert a Ă©crit les textes de trĂšs nombreuses chansons, avec des musiciens renommĂ©s. Sa prĂ©fĂ©rence allait cependant Ă  des formes non fixes, non usuelles, et Ă  des chansons qui ne ressemblent guĂšre Ă  ce que nous entendons typiquement par ce terme — qui dĂ©signe pour nous des vers comptĂ©s et rimĂ©s, sur une musique oĂč alternent des couplets et un refrain. Voici une chanson de ce genre non-typique Les enfants qui s’aiment Les enfants qui s’aiment s’embrassent debout Contre les portes de la nuit Et les passants qui passent les dĂ©signent du doigt Mais les enfants qui s’aiment Ne sont lĂ  pour personne Et c’est seulement leur ombre Qui tremble dans la nuit Excitant la rage des passants Leur rage, leur mĂ©pris, leurs rires et leur envie Les enfants qui s’aiment ne sont lĂ  pour personne Ils sont ailleurs bien plus loin que la nuit Bien plus haut que le jour Dans l’éblouissante clartĂ© de leur premier amour L’amour est typiquement Ă©voquĂ© avec pudeur chez PrĂ©vert. Il dira que je t’aime », ce sont des mots qui se taisent. Voici en tout cas la chanson la plus cĂ©lĂšbre de PrĂ©vert, Les Feuilles mortes,— la musique, superbe, de J. Kosma, est devenue un standard de jazz. Notez que PrĂ©vert a rĂ©digĂ© ce texte sur une musique dĂ©jĂ  composĂ© et que, cette fois, la facture est plus classique; et pour que vous le sachiez ces feuilles mortes ne sont pas des feuilles des arbres, mais celles d’un de ces calendriers d’autrefois appelĂ©s Ă©phĂ©mĂ©rides, sur lequel, pour dĂ©voiler le jour commençant, on enlevait en effet la feuille du jour passĂ© collĂ©e sur un bloc de feuilles ce sont ces feuilles arrachĂ©es qu’on appelait les feuilles mortes. Les feuilles mortes Oh ! Je voudrais tant que tu te souviennes Des jours heureux oĂč nous Ă©tions amis. En ce temps-lĂ  la vie Ă©tait plus belle, Et le soleil plus brĂ»lant qu’aujourd’hui. Les feuilles mortes se ramassent Ă  la pelle. Tu vois, je n’ai pas oublié  Les feuilles mortes se ramassent Ă  la pelle, Les souvenirs et les regrets aussi Et le vent du nord les emporte Dans la nuit froide de l’oubli. Tu vois, je n’ai pas oubliĂ© La chanson que tu me chantais. {Refrain} C’est une chanson qui nous ressemble. Toi, tu m’aimais et je t’aimais Et nous vivions tous deux ensemble, Toi qui m’aimais, moi qui t’aimais. Mais la vie sĂ©pare ceux qui s’aiment, Tout doucement, sans faire de bruit Et la mer efface sur le sable Les pas des amants dĂ©sunis. Les feuilles mortes se ramassent Ă  la pelle, Les souvenirs et les regrets aussi Mais mon amour silencieux et fidĂšle Sourit toujours et remercie la vie. Je t’aimais tant, tu Ă©tais si jolie. Comment veux-tu que je t’oublie ? En ce temps-lĂ , la vie Ă©tait plus belle Et le soleil plus brĂ»lant qu’aujourd’hui. Tu Ă©tais ma plus douce amie Mais je n’ai que faire des regrets Et la chanson que tu chantais, Toujours, toujours je l’entendrai ! Bibliographie Paroles 1946 est le recueil Ă  lire en prioritĂ©. Puis, les autres recueils, notamment Spectacle 1951; Grand Bal du Printemps; Charmes de Londres 1951 et 1952, deux recueils rĂ©alisĂ©s avec le photographe Izis sur deux villes que PrĂ©vert aimait beaucoup, Paris et Londres; Choses et autres 1972. Les films suivant sont aussi disponibles Ă  la bibliothĂšque du collĂšge Le Quai des Brumes 1938 ; Les enfants du paradis 1945 ; Le roi et l’oiseau un film d’animation pour petits et grands, 1980, posthume. Vous y trouverez aussi Petit, Olivier, et al., Les poĂšmes de PrĂ©vert en bande dessinĂ©e, DarnĂ©tal, Petit Ă  Petit, France, 2007. La grande biographie d’Yves CourriĂšre Jacques PrĂ©vert, en vĂ©ritĂ©, Gallimard, Paris, 2000. De Bernard ChardĂšre, Jacques PrĂ©vert, Inventaire d’une vie, Gallimard, Paris, 1997. D’Arnaud Laster Jacques PrĂ©vert, un poĂšte, Gallimard, 1980. Sans oublier le catalogue de la rĂ©cente exposition que la ville de Paris consacrait Ă  PrĂ©vert BINH, et al., Jacques PrĂ©vert. Paris la belle, Beaux-Arts Éditions, Boulogne-Billancourt, 2008. Dans Trames. EsthĂ©tiques/Politique, Nota Bene, QuĂ©bec, 2004, je consacre un chapitre Ă  la critique des mĂ©dias que propose PrĂ©vert dans PrĂ©vert, Jacques et Pozner, AndrĂ©, Hebdromadaires, Gallimard, Paris 1972. C'est toujours dĂ©licat d'Ă©crire quelque chose sur une oeuvre que l'on affectionne tant. Ce livre m'accompagne depuis tant d'annĂ©es qu'il fait partie de ma vie. Il a Ă©tĂ© tĂ©moin de mes bonheurs, de mes joies, mais aussi de mes errements, doutes et interrogations. Il m'a aidĂ©e dans les moments de tristesse, et ne m'a jamais déçue. Je vais donc tenter de vous expliquer ici pourquoi “Paroles” est sans doute, pour moi, le recueil de poĂ©sies le plus complet et riche tout le monde, j'ai dĂ©couvert PrĂ©vert Ă  l'Ă©cole en apprenant Le cancre, Pour faire le portrait d'un oiseau, ou Le sultan. DĂ©jĂ , son vocabulaire simple, ses images enchanteresses avaient sĂ©duit mon univers d'enfant. Plus tard, Ă  l'adolescence, j'ai redĂ©couvert ce recueil, sans la contrainte de l'apprentissage, et j'avais recouvert les murs de ma chambre de quelques-uns de ses poĂšmes propres Ă  chavirer l'Ăąme d'une jeune fille en quĂȘte d'Amour. J'ai ainsi dĂ©couvert Paris at Night, La belle saison, Alicante, Immense et rouge, ou encore Chanson. Et puis est venu le temps des premiers amours, oĂč l'on se sent incomprise et rejetĂ©e. Les larmes aux yeux, je me plongeais alors avec le dĂ©sespoir des peines de coeurs dans Petit dĂ©jeuner du matin, Pour toi mon amour, Rue de Seine, Je suis comme je suis, et Le message. J'ai encore grandi, et je suis entrĂ©e dans la vie active en ayant en tĂȘte Le temps perdu; je suis devenue athĂ©e et j'ai repensĂ© avec un sourire au bord des lĂšvres Ă  Pater Noster, La brouette ou les grandes inventions, La cĂšne, Vous allez voir ce que vous allez voir, Le combat avec l'ange et tant d'autres.... Quand je vous disais que ce recueil contient toute une vie... Aujourd'hui, PrĂ©vert m'aide Ă  faire comprendre les pronoms relatifs, les articles partitifs ou les accords des participes passĂ©s. Une merveille vous dis-je. Mais ses mots vous diront mieux que moi tous les joyaux que renferment cette oeuvre. Je vous laisse donc lire un de ses poĂšmes qui me fait toujours vibrer comme si je le dĂ©couvrais, malgrĂ© les annĂ©es Ă©coulĂ©es. J'espĂšre qu'il vous donnera envie d'acquĂ©rir ce recueil si vous ne l'avez pas dĂ©jĂ  dans votre bibliothĂšque. La grasse matinĂ©e II est terrible le petit bruit de l'oeuf dur cassĂ© sur un comptoir d'Ă©tain il est terrible ce bruit quand il remue dans la mĂ©moire de l'homme qui a faim elle est terrible aussi la tĂȘte de l'homme la tĂȘte de l'homme qui a faim quand il se regarde Ă  six heures du matin dans la glace du grand magasin une tĂȘte couleur de poussiĂšre ce n'est pas sa tĂȘte pourtant qu'il regarde dans la vitrine de chez Potin il s'en fout de sa tĂȘte l'homme il n'y pense pas il songe il imagine une autre tĂȘte une tĂȘte de veau par exemple avec une sauce de vinaigre ou une tĂȘte de n'importe quoi qui se mange et il remue doucement la mĂąchoire doucement et il grince des dents doucement car le monde se paye sa tĂȘte et il ne peut rien contre ce monde et il compte sur ses doigts un deux trois un deux trois cela fait trois jours qu'il n'a pas mangĂ© et il a beau se rĂ©pĂ©ter depuis trois jours Ça ne peut pas durer ça dure trois jours trois nuits sans manger et derriĂšre ces vitres ces pĂątĂ©s ces bouteilles ces conserves poissons morts protĂ©gĂ©s par les boĂźtes boĂźtes protĂ©gĂ©es par les vitres vitres protĂ©gĂ©es par les flics flics protĂ©gĂ©s par la crainte que de barricades pour six malheureuses sardines... Un peu plus loin le bistro cafĂ©-crĂšme et croissants chauds l'homme titube et dans l'intĂ©rieur de sa tĂȘte un brouillard de mots un brouillard de mots sardines Ă  manger oeuf dur cafĂ©-crĂšme cafĂ© arrosĂ© rhum. cafĂ©-crĂšme cafĂ©-crĂšme cafĂ©-crime arrosĂ© sang !... Un homme trĂšs estimĂ© dans son quartier a Ă©tĂ© Ă©gorgĂ© en plein jour l'assassin le vagabond lui a volĂ© deux francs soit un cafĂ© arrosĂ© zĂ©ro franc soixante-dix deux tartines beurrĂ©es et vingt-cinq centimes pour le pourboire du garçon. Il est terrible le petit bruit de l'oeuf dur cassĂ© sur un comptoir d'Ă©tain il est terrible ce bruit quand il remue dans la mĂ©moire de l'homme qui a faim. Editions Folio - 248 pages

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